Quelle place pour la pyrogazéification dans les scénarios ADEME Transition(s) 2050 ?
Les 4 scénarios prospectifs de l'ADEME "Transition(s) 2050 : Choisir maintenant, Agir pour le climat" publiés fin novembre 2021 visent à proposer plusieurs voies possibles permettant à la France d'atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.
Les résultats de ce travail considérable mené par l'ADEME pendant 2 ans montrent la place essentielle que pourrait jouer la pyrogazéification - à condition que son passage à l'échelle commerciale soit soutenu - dans une France neutre en carbone, notamment pour produire du méthane de synthèse injectable et des carburants avancés (2G) à partir de biomasse ligneuse, de déchets de bois et déchets non recyclables type Combustibles Solides de Récupération (CSR).
Site ADEME "Transition(s) 2050"
Les objectifs de l’exercice Transition(s) 2050 de l'ADEME
Pour son exercice prospectif "Transition(s) 2050", l'ADEME a travaillé pendant 2 ans à établir 4 scénarios présentant chacun une évolution possible du paysage énergétique français (gestion de nos ressources, de nos productions et de nos consommations énergétiques) permettant d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
Ainsi, à la veille de l'élection présidentielle de 2022 et dans le cadre des délibérations collectives sur la Stratégie Française Energie Climat, l'ADEME nous propose 4 chemins vers la neutralité carbone, chacun s'appuyant plus ou moins sur de grands principes (sobriété / coopération / développement technologique / compensation carbone).
4 scénarios contrastés pour atteindre la neutralité carbone - Source : ADEME Transition(s) 2050
Quelle place pour la pyrogazéification ?
1 - Filière Pyrogazéification pour injection : production de méthane de synthèse
Selon l'ADEME, le gisement potentiel "pyrogazéifiable" en 2050 respectant la primauté des usages matière s’élève à près de 200 TWhPCS. Compte tenu des besoins énergétiques projetés et des voies de valorisation énergétique des résidus (pyrogazéification, combustion, carburants liquides), les scénarios de l'ADEME publiés récemment tablent en 2050 sur une production de méthane de synthèse par pyrogazéification allant jusqu'à 75 TWhPCS.
Ce potentiel est en effet atteint dans le scénario S3 "Technologies Vertes" qui donne une place prépondérante à la pyrogazéification notamment pour la valorisation des déchets non recyclables (13 Mt de CSR mobilisées), ceci dans les conditions suivantes :
- Développement de politiques sylvicoles durables et de gestion des déchets en faveur de la production d'énergie
- Développement industriel de la filière à partir de 2026-2028 (mise en service des 1ères unités commerciales) notamment grâce à la mise en place d'un cadre réglementaire favorable
- Démarrage sur des intrants de type biomasse propre puis introduction progressive et croissante de déchets de bois et de Combustibles Solides de Récupération (CSR)
- Des installations de taille modérée (de 10 à 20 MW) permettant un approvisionnement local en intrants
- En 2030 : 5 unités pour une production de 430 GWhPCI
- En 2050 - Production d'environ 75 TWhPCS (67 TWhPCI) :
- 107 TWhPCI en énergie primaire (intrants) dont 70% de CSR, 25% de bois déchet et autres sous-produits du bois (produits connexe de scierie) et 5% de cultures lignocellulosiques (type miscanthus, dont l'usage répond bien aux critères de durabilité définis par la RED II)
- Environ 760 unités pour une production totale de 67 TWhPCI de méthane de synthèse (soit 31% de la consommation prospective de gaz) dont 48 TWhPCI considérés comme renouvelables car issus de biomasses durablement gérées ou de déchets biogéniques (bois déchet).
Il est à noter que l'association NégaWatt élabore également son propre scénario prospectif "NégaWatt 2022", dont elle a dores et déjà diffusé les diagrammes de Sankey (le rapport final n'est pas encore publié). Ces premiers résultats montrent un potentiel d'environ 55 TWhPCS (51,3 TWhPCI) pour la pyrogazéification pour injection.
2. Filière Biomass-to-Liquid : production de (bio)carburants avancés (2G)
Les 4 scénarios de l'ADEME proposent également des voies de décarbonation des transports et s'intéressent donc à la production de (bio)carburants avancés (ou 2ème génération) produits par conversion thermochimique (gazéification suivie du procédé Fisher-Tropsch) de la matière cellulosique contenue dans les résidus agricoles (paille) et forestiers (bois), dans des plantes provenant de cultures dédiées (taillis à croissance rapide type miscanthus) ou de la valorisation de déchets industriels.
Selon les hypothèses retenues dans les différents scénarios, notamment en termes d'évolution de nos consommations de carburants liquides, les potentiels identifiés varient significativement d'un scénario à l'autre :
Source : ADEME Transition(s) 2050
A noter notamment :
- Dans le scénario S2 "Coopération territoriales", les carburants avancés sont majoritaires au sein des carburants liquides :
- La demande totale en carburants liquides est de 78,6 TWh en 2050 soit une baisse de 85% par rapport à aujourd'hui et 61,4 TWh de biocarburants liquides et d’électro-carburants sont produits.
- Les biocarburants avancés sont produits avec une diversification des matières premières et le développement du B-t-L pour répondre à la demande. La ressource forestière et lignocellulosique est limitée par la priorité donnée à la préservation du puits de carbone naturel, à l’utilisation du bois dans les matériaux à longue durée de vie et à la production de chaleur. Les biocarburants avancés sont toutefois bien présents dans le mix, grâce à un accès à de la ressource lignocellulosique (2,5MtMS). Un gisement plus important de CSR (3 Mt) est aussi dédié à la production de biocarburants liquides avancés.
- Pour les substituts kérosène, le bioJetFuel provient majoritairement des biocarburants avancés.
- Dans le scénario S3 "Technologies vertes", un recours à de multiples technologies de production de biocarburants liquides est mis en place :
- La demande en carburants liquides est peu contrainte et s'élève à 125,9 TWh en 2050, soit une baisse de 76% par rapport à aujourd'hui. 98 TWh de biocarburants liquides et d'électro-carburants sont produits.
- La filière des biocarburants avancés se développe de manière conséquente. Une priorité est donnée pour favoriser l'utilisation de biomasse lignocellulosique et de déchets bois en vue d'une valorisation énergétique. S3 est, avec S4, le scénario où la consommation de ressource lignocellulosique est la plus élevée (11,6 MtMS). En effet, de la surface est libérée pour la production de lignocellulose à partir notamment de taillis à croissance rapide (miscanthus, qui fait partie des "autres matières cellulosiques non alimentaires" qui sont éligibles pour la production de biocarburants avancés dans RED II). Ce gisement élevé permet une large production de biocarburants liquides via la filière B-t-L.
- Dans le scénario S4 "Pari réparateur", même gisement que dans S3 avec en plus 3 Mt de CSR qui sont mobilisées pour augmenter la part de biocarburants liquides via la filière B-t-L.
3. L'ADEME invite à s'intéresser au potentiel du biochar comme puits de carbone
Sans s'avancer sur une cible précise, l'ADEME souligne dans son rapport "Transition(s) 2050" la pertinence de s'intéresser et de développer le marché du biochar, celui-ci présentant un potentiel significatif en termes de stockage de carbone et de fertilité des sols :