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Centre Technique national du Biogaz et de la Méthanisation

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Les mécanismes de soutien à l’innovation dans la filière biogaz et méthanisation

Alors que la filière biogaz et méthanisation a connu un fort dynamisme ces dernières années pour atteindre une capacité d’injection de 11 TWh en 2023 et ainsi dépasser de 4 TWh les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie 2020, la Stratégie Française Energie-Climat (SFEC) fixe à présent une trajectoire ambitieuse à horizon 2030 avec un objectif de 44 TWh de capacité d’injection de biométhane dans le réseau. 

Pour l’atteinte de tels objectifs et pour garantir la poursuite de cette dynamique positive, de nombreux défis subsistent. En effet, la massification du développement des unités de production, la maîtrise des coûts, l’amélioration de la performance environnementale ou encore la valorisation de nouveaux intrants sont à présent des axes décisifs pour la filière. 

Ces multiples enjeux appellent d’une part à produire de nouvelles connaissances scientifiques et industrielles qui sont a priori indisponibles à présent et d’autre part à favoriser l’émergence de l’innovation par l’accélération des technologies et les changements de pratiques. 

La cartographie des mécanismes de soutien à l’innovation

Réalisée dans le cadre d’un stage de 6 mois, cette cartographie des mécanismes de soutien à l’innovation dans la filière biogaz et méthanisation s’appuie sur 27 entretiens tenus entre septembre et novembre 2023.   

Elle a pour objectif de mettre en exergue les mécanismes et acteurs en jeu pour soutenir l’innovation. Elle cible de nouvelles technologies ou des projets aux modèles d’affaires innovants et n’a pas d’objectif d’exhaustivité (les grands énergéticiens de la filière ne figurent pas parmi la liste des acteurs interrogés notamment).  

Les personnes interrogées sont, d’une part des inventeurs ou innovateurs, et d’autre part différents soutiens plus ou moins directs à l’innovation dans filière biogaz et méthanisation.  

Parmi ces derniers, des guichets de financement, des chercheurs, des animateurs de filière, des incubateurs et technopoles ou encore des clients “pionniers” (autrement dit, qui contribuent à la prise en charge des risques inhérents à un premier pilote) et clients finaux (une fois l’innovation arrivée au stade de commercialisation).   

Au centre se trouvent les innovateurs et inventeurs interrogés lors de cette étude. Nous retrouvons autour le parcours type d’une innovation, de l’idée à la commercialisation. Dans l’écosystème biogaz et méthanisation, la plupart des innovations peuvent être qualifiées de “Deep Tech”, se caractérisant notamment par des liens forts avec le monde scientifique et un temps d’accès au marché long et fortement capitalistique. Ainsi, leurs parcours rencontrent une double problématique pour leur développement : la maturation de la technologie et la pénétration du marché.  

 

Autour de ce parcours, des acteurs de l’écosystème ayant soutenu les innovateurs et inventeurs à travers une de leurs fonctions, identifiée pour l’innovation. Par exemple, un frein rencontré par plusieurs innovateurs est au moment de développer leur premier pilote semi-industriel ou à l’échelle 1. En effet, il est souvent compliqué de trouver le foncier permettant de construire à une échelle représentative des conditions réelles. Or certaines plateformes existent pour accueillir ce type d’installations et accompagner la montée en maturité technologique d’innovations technologiques Deep Tech. 

Solidia par exemple est un environnement expérimental pour des installations pilotes en conditions semi-industrielles sur les thématiques de méthanisation et gaz renouvelables inauguré en 2023. Ce projet porté par l’INSA Toulouse a notamment vu le jour en raison du besoin d’un innovateur travaillant avec l’un des laboratoires de l’école (Toulouse Biotechnology Institute) qui avait besoin d’un environnement comportant des utilités telles qu’un accès à de l’hydrogène avec un débit maximal de 10 m3/h ou des débits de biogaz brut allant jusqu’à 35 m3/h. 

Au-delà de la cartographie présentée dans cet article, les entretiens menés ont permis de constater différentes caractéristiques de l’écosystème d’innovation dans la filière biogaz et méthanisation.  

Une filière perçue comme mature, qui a pourtant besoin d’innovation

Dans un premier temps, alors même que le prisme de l’étude porte sur l’innovation, certains acteurs semblaient se demander quelle place l’innovation pouvait avoir dans cette filière. En effet, cette dernière est alors vue comme étant mature, avec un schéma de marché établi. Ainsi, la perception de la filière par certains acteurs ne concordait pas avec les besoins identifiés pour garantir la poursuite de son essor.   

Le marché est certes établi, mais des verrous subsistent pour l’atteinte des objectifs fixés et demandent de l’innovation souvent très complexe où la collaboration est un enjeu fort pour la production de connaissances.  

Par exemple, Tryon Environnement propose une solution de valorisation des biodéchets. Ces unités de méthanisation ont la particularité d’être à petite échelle et constituées de modules flexibles et rapides à déployer. L’hygiénisation et le déconditionnement se font sur site. De ce fait, la consommation d’énergie représente 17 à 20% de l’énergie produite. Or, pour l’accès à certaines aides, de l’ADEME notamment, la règlementation fixe un plafond à 15% de consommation d’énergie globale du site comparée à l’énergie produite. Cela a constitué un frein au développement de cette innovation qui dépasse ce seuil du fait que tout le processus (dont l’hygiénisation et le déconditionnement) se déroule sur site. 

Ainsi, des aides des pouvoirs publics existent pour développer des projets correspondant au schéma répandu. Cependant, les grilles d’évaluation pour avoir ces aident excluent parfois des projets de méthaniseurs avec un modèle d’affaire innovant et freinent alors d’une certaine manière le développement de ces projets. 

Un enjeu à intensifier les échanges et la collaboration entre acteurs innovants de l’écosystème

Par ailleurs, l’enquête a montré que les liens entre innovateurs de la filière étaient relativement faibles, qu’ils échangeaient principalement avec des acteurs centraux.  

Or, les innovateurs rencontrent parfois des problématiques similaires voire complémentaires. Ainsi, il existe un enjeu à intensifier les échanges entre innovateurs pour faire émerger de nouveaux contextes plus favorables pour leur bon développement.  

En effet, ils ont intérêt à favoriser l’émergence de nouveaux marchés, de nouvelles règlementations et de nouvelles structures adaptées à leurs projets innovants. 

L’enjeu de collaboration accrue entre innovateurs directement ou bien avec des acteurs peut-être moins attendus dans l’écosystème est majeur dans la levée de verrous.  

Une illustration concrète du rôle que peuvent incarner des acteurs permettant la mise en relation entre membres de l’écosystème pertinents est celle du projet Epurogaz.  

 

L’objectif de ce projet est de finaliser le développement d’un système d’épuration de biogaz pour la production simultanée de bio-CH4 et de bio-CO2. Ce système se veut être accessible économiquement au secteur agricole, frugal dans sa conception et son fonctionnement, et sa fabrication industrielle en série sera réalisée en France. Ce projet émane du laboratoire Toulouse Biotechnology Institute (TBI) de l’INSA Toulouse.  

Pour augmenter le stade de maturation technologique d’Epurogaz, il fallait développer un premier pilote. Pour la réalisation de ce dernier, un appel d’offre a été émis, avec l’aide de l’agence de développement économique régionale Ad’Occ. Il se trouve que le choix final du partenaire industriel s’est porté sur l’atelier des graves, concepteur et intégrateur d’équipements industriels initialement spécialisé dans l’aéronautique. Cet industriel cherchait alors à se diversifier dans les énergies renouvelables, chose permise notamment par le projet Epurogaz. 

Ce choix a été fortement influencé du fait de la proximité entre l’atelier des graves et le laboratoire TBI (par le biais du CRITT GPTE, structure adossée à TBI permettant les interactions directes avec les industriels) du fait de projets passés.  

Ainsi, TBI a, dans le cas d’Epurogaz, eu ce rôle de mise en relation d’acteurs pertinents.  

 

En conclusion, la filière biogaz et méthanisation est très dynamique et a besoin d’innovation pour assurer la poursuite de son essor. De ce constat, les mécanismes de soutien à l’innovation sont cruciaux pour favoriser l’émergence de nouveaux projets. Il existe alors un enjeu à intensifier les échanges et collaborations entre innovateurs et acteurs de l’écosystème pour la levée de verrous existants.