Des démonstrateurs de Power to Gas indispensables au développement d’une filière industrielle française
Article publié dans le cadre du Salon HyVolution: https://www.hyvolution-event.com/fr/actualites/sponsorise/atee-power-to-gas
Interview de David LE NOC, Délégué Général du Club « Power to Gas et Interconnexions des réseaux énergétiques » de l’ATEE.
Sous cet anglicisme de « Power to Gas » se cache peut-être le maillon manquant pour atteindre un monde énergétique 100% renouvelable. Pouvez-vous nous éclairer sur cette nouvelle filière en développement ?
Le Power to Gas consiste à convertir de l’électricité renouvelable ou bas carbone en hydrogène, par électrolyse de l’eau. Cet hydrogène peut ensuite être consommé directement dans différents secteurs, transport et industrie notamment, ou injecté en mélange dans les réseaux existants de gaz. Cet hydrogène peut également être converti en méthane par une étape de méthanation pour ensuite être injecté dans les réseaux.
Le gaz ainsi produit, hydrogène ou méthane de synthèse, permet de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre de différents secteurs consommateurs d’énergie, parfois difficiles à décarboner. De plus, les installations de Power to Gas apportent de la flexibilité aux réseaux électriques en leur mettant à disposition des capacités de stockage de gaz inter saisonnier de grand volume. Le Power to Gas joue alors un rôle de pont entre les réseaux électriques et gaziers.
Cette nouvelle filière énergétique est encore en construction et met en place les briques nécessaires au passage à l’échelle. Des premiers démonstrateurs sont d’ores et déjà opérationnels en France et sont indispensables au développement d’une filière industrielle française.
Des projets de démonstration de Power to Gas se montent un peu partout en Europe. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est en France ?
Avec une soixantaine d’installations en Europe, les premières unités de production d’hydrogène et de gaz de synthèse se développent également en France. Lancé en 2014, le projet GRHYD vise notamment à tester en grandeur nature sur le territoire dunkerquois l’injection d’hydrogène dans les réseaux de distribution de gaz pour alimenter un nouveau quartier d’une centaine de logements.
Autre exemple d’unité de Power to Gas : le projet Jupiter 1000 (1000 car ce sont 1000kW de puissance électrique renouvelable qui sont ici transformés en hydrogène et en gaz de synthèse) installé sur le Grand Port Maritime de Marseille.
D’autres projets, comme le démonstrateur Minerve à Nantes, viennent compléter la liste des initiatives françaises de production d’hydrogène et de gaz de synthèse décarboné. La France s’est d’ailleurs fixée des objectifs de démonstration dans sa Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), qui arrivera en consultation publique dans les prochains jours : entre 1 et 10MW de puissance installée par projet en 2023, et des unités de Power to Gas annoncées allant ensuite progressivement jusqu’à 100 MW. Preuve supplémentaire que la démonstration est une étape indispensable au développement de la filière.
Pouvez vous nous en dire plus sur cette étape de démonstration et les raisons pour lesquelles ce passage au terrain permet à la filière de gagner en maturité et d’accélérer son développement ?
Le démonstrateur permet de sortir du laboratoire et de se frotter aux conditions de fonctionnement réelles. Cette étape, indispensable au processus de développement d’une innovation, s’inscrit entre le prototype, qui permet de valider le fonctionnement technique, et la présérie, début de l’industrialisation de la filière. Nous sommes donc aujourd’hui à l’aune de ce déploiement industriel et commercial. Monter aujourd’hui un démonstrateur est très riche en enseignements et constitue un outil d’expérimentation unique.
Tout d’abord, il permet de caractériser techniquement de manière précise et complète l’unité en testant différentes configurations et différentes conditions de fonctionnement. C’est un outil indispensable pour affiner nos connaissances des données techniques de performances, de production, de qualité du gaz, de fiabilité … et ce également aux conditions limites.
La démonstration offre en outre la possibilité d’affiner la connaissance globale du système, d’en optimiser sa régulation, et d’approfondir la connaissance des interfaces entre les composants de l’unité et avec son environnement (raccordements aux réseaux de gaz et d’électricité, implantation et intégration, …).
Socle d’une industrialisation réussie, le démonstrateur permet également, grâce à des collaborations et des partenariats industriels, de tester les outils et de mettre en place les process adaptés chez les constructeurs et fabricants de matériels liés à l’électrolyse et la méthanation, cœurs du système, comme des accessoires nécessaires au fonctionnement des unités. Il permet également de valider les modèles économiques et les modèles d’affaires de la filière tout en précisant les perspectives de réduction de coûts par le passage à l’échelle et les leviers associés.
C’est également un outil de montée en compétence et de formation indispensable à la filière car l’ensemble des maillons nécessaires au passage industriel est alors testé. L’étude et le dimensionnement de l’unité, la fabrication des différentes briques technologiques et leur intégration au sein du système, l’installation sur site, l’exploitation et la mise en œuvre de la maintenance, …. Autant de métiers et de compétences indispensables. Cette étape est alors l’occasion d’identifier d’éventuels manques de compétence, et le cas échéant de mettre en place les cursus de formation et les contenus nécessaires à la fiabilisation de la filière.
Enfin, le démonstrateur est un outil de communication et la vitrine de toute une filière. Le démonstrateur est en effet la première étape réellement visible du développement produit. Cet outil permet de montrer à l’ensemble des acteurs économiques et politiques, et plus largement au grand public, la réalité d’une technologie en la rendant accessible et concrète.